Dans nos vies quotidiennes, tout va toujours trop vite. On court après le temps, on se dépêche « vite on va être en retard ». Il en résulte un sérieux déficit d’attention. On ne voit plus rien, alors difficile de s’attarder sur les détails. J’ai justement observé, cette inattention, ces actions faites à la va-vite pour constater que même ce qui requiert un peu d’observation est à peine vu. Par exemple, dans les musées, je suis navrée de voir que beaucoup de personnes photographient les œuvres. Au lieu de simplement les contempler, regarder les détails, lire les explications données, ils se postent devant, cadrent et clic-clac ! En moins de trois secondes c’est dans la galerie du téléphone. On peut dire ce qu’on veut, rien ne remplace les sensations d’avoir vu l’œuvre en vrai et de se rendre compte de ce qu’elle dégage. La photo ne reproduira pas ça, ce sera juste une collection, « on les a vus, j’y étais » mais rien de plus. D’accord, on ne passe sa vie au musée alors à quoi bon s’attarder là-dessus ?
Autre exemple, une salle d’attente ou file d’attente. Peu importe, que ce soit chez le médecin, le garagiste, le boucher, la boulangerie. Le réflexe est : on dégaine son portable et on regarde l’heure, les messages texto, les mails, le fil d’actualité des réseaux sociaux et on relève la tête juste pour voir si ça avance. Avant le covid, il pouvait y avoir à certains endroits des magazines qui freinaient cette mauvaise habitude. Bien sûr de temps à autre, consulter son portable est important mais apprenons à le reposer et observons ce qui se passe autour de nous.
Ces deux petits exemples pour dire que quand on est dans un endroit pour observer ou qu’on a un peu de temps devant nous et qu’on ne le fait pas, on ne peut pas le faire dans d’autres activités de la vie courante. Pire, on ne voit plus ce qui nous entoure ! Les détails de l’ordinaire sont ignorés alors qu’ils sont source d’émerveillement. On peut y puiser force et renouveau.
Ce petit rouge-gorge que je vois tous les jours picorer sous l’olivier, je ne m’en lasse pas. En l’observant je me figure un être fragile mais puissant car il brave l’hiver et sa couleur ravive les teintes de la saison. Cela agit sur moi comme du baume au cœur.
Depuis le mois de décembre, j’observe les bulbes que j’ai plantés, ainsi j’ai pu les voir sortir de terre et ne rien manquer du spectacle, bientôt les premières floraisons. Et je le fais avec chaque arbre, chaque arbuste, chaque plante du jardin. Oui je les regarde pousser sans être dessus du matin au soir, mais je prends un peu de temps.
J’observe les gens même si je ne les connais pas et apprend mille détails sur l’humanité. Parfois c’est un peu comme si j’avais l’impression de les connaître. Ma sensibilité au monde se développe car des attitudes me touchent, des regards bienveillants, des gestes un peu brusques, des cernes, des petites mains qui serrent, du chocolat autour de la bouche, des dos courbés par la vieillesse, des petites phrases, des gros yeux et sourcils froncés, des jurons, des soupirs. Je ne connais rien de leur vie, de leur parcours, et même si je les connaissais, pas de jugement. A peine des suppositions pour comprendre mais ne pas juger. C’est sûrement ça l’empathie. J’observe et cette humanité est parfois bouleversante.
J’observe les gens que j’aime pour repérer toutes ces petites choses qui font leurs qualités et leurs défauts et j’apprends à mieux les connaître. On ne connait jamais assez ceux qui partagent notre vie. Ces regards prolongés sur eux, me font les aimer davantage.
Et ceux qui ne m’apprécient pas ? Je sens leurs yeux rivés sur moi, ils m’observent. Et à ce moment-là ils ne peuvent qu’admirer mon sourire qui dit « oui à la vie, la vie c’est maintenant »
Parce que la vie c’est maintenant, ce mantra m’accompagne chaque jour depuis quelques années pour voir la beauté du monde, pour éviter que la laideur et la méchanceté prennent le pas sur l’amour. Parce que la vie c’est maintenant, j’observe la ronce qui pousse dans un chemin, les graviers, une tache, le pli d’un tapis, les nuages, la luminosité, une peinture accrochée au mur, une feuille qui tourbillonne, un rayon de soleil sur le parquet, la couverture d’un livre, une araignée, les veines d’un morceau de bois, les herbes hautes ondoyant sous le vent et la liste est infinie.
Observer pour se poser et ralentir le rythme…
Observer les détails.
Observer nous permet d’être ancrés dans nos vies et de développer notre ouverture sur le monde.
Lors des ateliers de groupe que j’anime près de Bordeaux, « La sphère », l’observation entre autres est présentée comme un outil pour vivre dans le moment présent.
*Quand j’écris « on » ou « nous », personne en particulier est inclus, c’est une généralité.